L’HONNEUR
« Le souvenir de la honte du passé préserve l’Honneur de l’avenir »
Thérèse Amiel
Comme présenté dans le texte d’introduction sur ma Voie, l’Honneur occupe une place primordiale dans mon cercle de l’éthique puisqu’il y tient la position centrale, absolue et unique. Cette position est due avant tout à la nature très particulière de cette vertu qui, contrairement aux autres, ne demande aucun effort particulier à première vue, mais qui renferme néanmoins la force de volonté nécessaire à l’accomplissement de toutes les autres qualités morales.
L’Honneur est à la fois l’essence vitale de notre conscience humaine, le reflet de notre propre dignité et la conséquence de notre renommée personnelle, familiale, nationale ou autre. Il est toute ces choses à la fois de manière indissociable à tous les niveaux de notre conscience, pour peu qu’on en soit effectivement conscient. Il est d’autant plus développé que nous accordons de la valeur non seulement à notre propre personne, bien entendu, mais aussi et surtout aux communautés auxquelles nous appartenons ou par lesquelles nous nous identifions. Car contrairement à l’Orgueil qui est sa force opposée et qui ne peut être qu’individuel, l’Honneur est à mon sens une notion purement collective. On parle d’honneur personnel uniquement pour éviter d’employer le mot orgueil ou égo, et ainsi justifier injustement toute action visant à protéger notre petite personne. Le véritable honneur vertueux, selon mon point de vue, ne peut venir que par le sentiment d’appartenance à une communauté d’individus, qu’elle soit petite ou grande. Nous sommes tributaires de la renommée des groupes sociaux auxquels nous appartenons et nous devons non pas en profiter égoïstement mais faire en sorte, par notre comportement de tous les jours, que leur réputation soit intouchable.
L’orgueil fonctionne de telle manière que nous pouvons aisément être blessés moralement par des attaques extérieures nous visant personnellement ou par des erreurs que nous commettons en publique, provoquant ainsi en nous un sentiment de honte plus ou moins grand selon la gravité de l’attaque ou de la faute. Mais si nous possédons un véritable sentiment d’honneur dans l’appartenance à une communauté donnée, une attaque morale portée contre cette communauté est comme une attaque portée contre nous, provoquant le même sentiment de honte. La seule différence avec les attaques visant directement notre orgueil, c’est que la honte ainsi ressentie peut être atténuée selon le degré d’attachement que nous avons avec la communauté dont l’honneur est remis en cause. On peut se sentir blessés par la remise en cause de l’honneur d’une de nos communautés même si nos actions ou nos paroles ont été irréprochables, et il peut arriver parfois qu’un individu décide de changer de communauté pour en intégrer une autre plus prestigieuse, du moins sur le moment, afin de se protéger contre ce sentiment de honte. Mais cela revient à de la trahison, de l’hypocrisie et de l’égoïsme, car le seul but recherché est de flatter son propre orgueil en l’associant avec des entités en apparence puissantes et intouchables pour son seul confort mental personnel. Au-delà des simplifications administratives ou financières que cela peut procurer, le fait de renier son enfant ou ses parents possède une signification beaucoup plus importante pour ceux qui possèdent un tant soit peu de sens de l’honneur familial.
Cependant cette stratégie ne peut pas toujours être employée dès que la crédibilité d’une communauté est diminuée aux yeux du public : par exemple, vous ne pouvez pas changer de travail à chaque fois que le renom de votre profession se retrouve entaché. Et pour évoquer un cas extrême mais de façon constructive pour la suite de mes écrits, nous ne pouvons pas cesser d’être des humains. Je reviendrais d’ailleurs sur cette dernière pensée un peu plus tard dans ce même article.
A présent, il est temps pour moi de décrire un phénomène qui ne m’est apparu clairement que très récemment et qui n’est donc peut-être pas évident pour tout le monde. D’après ma propre expérience, nous empruntons tous notre crédibilité publique à ceux qui nous ressemblent. Quant vous rencontrez quelqu’un pour la première fois, vous allez être catalogué dans plusieurs catégories d’individus en fonction de votre apparence, de vos origines, de votre profession, de votre nationalité et d’un million d’autres choses encore. Parfois, les gens peuvent vous cataloguer à tort dans une catégorie d’individus avec lesquels vous n’avez que très peu de choses en commun, que ce soit par erreur ou de façon volontaire pour vous discréditer aux yeux des autres, ou encore dans le seul but de vous blesser intérieurement. Ce procédé de classification mentale est totalement inconscient la plupart du temps (comprenez ici qu’il se fait sans que l’individu qui catalogue ainsi soit conscient de ce phénomène), et il fait partie intégrante de notre mode de pensée actuel en raison des sentiments de méfiance et de mépris que nous pouvons exprimer à différents niveaux face à ceux qui nous sont différents. Voilà pour le procédé, maintenant voyons pour ses conséquences :
Dès que vous êtes catalogué dans telles ou telles catégories d’individus, la vision de la personne en face de vous est faussée par la réputation des communautés auxquelles elle vous assimile, ce qui peut ensuite vous être favorable ou défavorable selon la personne et la situation. Cependant cet effet peut ne pas durer si votre comportement est différent de ce à quoi s’attends la-dites personne à partir des préjugés dont elle vous a fait hériter. C’est de ce phénomène, de ses conséquences et de ses failles que vient la fameuse expression « l’habit ne fait pas le moine » : vous pouvez paraître à première vue pour un voyou avec votre sweater à capuche et vous montrer parfaitement respectable en à peine quelques instants de discussion, et à l’opposer vous pouvez sembler être de très bonne éducation et finalement décevoir cette attente en vous comportant en parfait salaud. Dans un sens comme dans un autre, vous avez changé de façon plus ou moins définitive l’opinion que possédait initialement la personne en face de vous.
Mais attention : j’ai bien expliqué au début de mon explication que nous ne faisons qu’emprunter la crédibilité de ceux qui nous ressemblent, et donc que nous n’en héritons pas purement et simplement sans jamais la restituer. Car oui, nous pouvons faire évoluer les préjugés bons ou mauvais que portent les gens à l’égare des groupes sociaux auxquels ils nous associent et au travers desquels ils nous identifient. L’important ici est d’avoir conscience de ce mode de raisonnement afin de mieux ressentir les différents honneurs associés à ces groupes sociaux auxquels nous appartenons au moins dans l’esprit des gens et peut-être au-delà, cela afin d’en tirer la force de volonté nécessaire pour alimenter les autres qualité que je défends ici dans la description de ma Voie. Nous ne devons pas laisser les préjugés des autres influencer notre propre code de conduite morale dans un sens ou dans un autre. Au lieu de cela, nous devons faire en sorte que l’image que nous donnons des communautés que nous représentons volontairement ou involontairement soit la meilleure possible. En faisant évoluer cette image dans les milieux où nous vivons, les mauvais préjugés peuvent finir par disparaître ou par être grandement discrédités par une proportion suffisamment importante de la population pour être ignorés. Ainsi, non par la force mais par l’exemple, nous pouvons changer la vision des gens sur les communautés auxquelles nous empruntons notre crédibilité, faisant alors grandir notre honneur d’y appartenir.
J’en viens maintenant à une vision très importante dans ma définition de ma Voie et dans le message que j’essaye de transmettre à travers cette description, à savoir l’honneur d’être un humain. Toutes les différences que nous pourront mettre entre nous et les gens qui nous entoure ne feront jamais disparaître le fait que tous, sans la moindre exception, sont des êtres humains et qu’ils appartiennent à la même civilisation actuellement déchirée et morcelée. Ce n’est pas pour rien que l’Eglise Catholique (et probablement d’autres institutions similaires) a inventé le concept d’excommunication pour « purger » le peuple des infidèles et des mouvements déviants pendant l’ère de la chasse aux sorcières : le but est non seulement de faire peur à ceux qui souhaiteraient défier leur religion, mais aussi de débarrasser leurs communauté de ces brebis galeuses afin qu’ils ne salissent pas leur honneur collectif. C’est un peu dans le même ordre d’idée que des penseurs de différents époques colonisatrices tentèrent de faire croire que les africains ou les indiens n’avaient pas d’âme, allant au-delà même du concept d’excommunication en ne les faisant même pas entrer dans la communauté humaine, de peur que cette dernière soit déshonorée par les coutumes de ces peuples nouvellement découverts. Mais ce concept était totalement virtuel et, selon moi, aucun pouvoir des hommes, même investi de la plus haute autorité politique ou religieuse, ne peut retirer à quelqu’un son humanité.
Si la race humaine était observée dans son ensemble par un regard extérieur, fut-il celui d’une entité divine ou d’une autre civilisation avancée, quelle image donnerait-elle d’elle-même à ce jour ? Or, nous devrions tous ressentir l’honneur et la fierté d’être humains, d’appartenir à cette grande civilisation unique sur notre planète et qui pourrait accomplir tant de choses formidable si elle était un tant soit peu unifiée. Aujourd’hui, qui peut se considérer fier d’être humain en connaissance parfaitement toutes les atrocités que notre espèces a accomplir et surtout celles qu’elle continue d’accomplir de nos jours ?
Si nous souhaitons continuer à progresser sans nous autodétruire, et si nous souhaitons pouvoir nous présenter avec dignité devant n’importe quelle puissance extérieure, nous devons rétablir notre Honneur d’être humains. Nous devons faire évoluer moralement notre société pour bâtir enfin un peuple socialement uni et fier, dont l’énergie ne serait plus gaspillée en vaines rivalités internes hérités du passé ou de nos mauvais préjugés. Ceci est le but ultime de mon raisonnement ainsi que la raison première de mon engagement dans l’écriture de cet ouvrage.
Prochain article : L’ESPOIR