Les ninjas de Konoha et de Suna avaient décidé de s’arrêter un instant dans une auberge de Suidanko afin de se restaurer un peu et de décider de comment ils allaient continuer leur enquête. Assis autour d’une grande table ronde parsemée de plats assez pauvres mais nourrissants, ils avaient du mal à ne pas se sentir dépassés par les évènements. Certains d’entre eux commençaient à penser que cette affaire prenait des dimensions énormes et qu’ils n’étaient plus tellement en mesure de la gérer à eux seuls. Mais d’autres estimaient qu’il était de leur devoir de continuer. Naruto faisait parti de ces derniers, tout comme Sasuke, Lee et Shikamaru qui, en tant que chef d’équipe, avait cependant la dure responsabilité de prendre la décision finale. Le jeune Nara avait encore un souvenir douloureux de la première mission qu’il avait mené en tant que Chunin, lorsque ses amis et lui avaient tenté de ramener Sasuke à Konoha. Il ne souhaitait pas subir un autre échec de ce genre.
- Pourquoi est-ce qu’on ne retourne pas à Konoha pour demander des renforts ? fit Hinata assez timidement.
- L’équipe onze ne devrait pas tarder à nous rejoindre, répliqua Shikamaru. Ce n’est pas suffisant ?
- Peut-être pas, lui fit remarquer Témari.
De tous les membres de l’équipe, Témari était celle qui avait la meilleure raison de vouloir reculer. Elle avait vu de près la puissance de leurs ennemis, ou du moins certains d’entre eux. Et bien que le groupe d’inconnus semblait comporter un ou deux éléments assez faibles, elle ne pouvait pas considérer qu’il serait facile de les neutraliser, même avec l’aide de l’équipe onze.
- Voilà ce que je propose, intervint soudainement Naruto : que ceux qui veulent repartir à Konoha le fassent sans tarder. Les autres peuvent venir avec moi.
Personne n’osa prendre la parole, et Shikamaru se permit d’afficher un sourire discret. Décidément, pensa le garçon, il a toujours le chic pour faire avancer les choses. S’il était un peu moins téméraire et un peu moins stupide, il ferait un chef d’équipe incroyable. J’espère qu’il trouvera le temps de corriger ces petits défauts avant de devenir Hokage.
- Bon, ben tout le monde est d’accord ? fit le jeune Uzumaki. Personne veut abandonner ? Très bien ! Alors maintenant on peut manger sans se torturer la tête.
Sur ce, il se remit à avaler son riz par grandes bouchées.
Une fois le repas terminé, Shikamaru mena ses amis à l’extérieur de Suidanko.
- Je pense que c’est le bon moment pour utiliser ça, dit-il en sortant un rouleau de parchemin hors de son sac.
Le garçon déroula le rouleau sur le sol, puis forma une série de sceaux avant de placer sa main droite au milieu d’un cercle tracé sur le papier. Aussitôt, l’objet disparut dans un petit nuage de fumée, duquel surgit un chat noir portant un bandeau de ninja de Suna comme il porterait un collier. Il avait le poil luisant et l’allure fière. Son unique œil valide à la couleur vert émeraude projetait une lumière quasi mystique rayonnant d’intelligence, comme s’il avait vécu tous les âges du monde. Son œil droit maintenu fermé se trouvait au milieu d’une cicatrice, et la partie métallique de son bandeau était parcourue d’éraflures légères mais innombrables.
- Je vous présente Yoruchi-sama, annonça Shikamaru. C’est le meilleurs pisteur de tout Suna.
- T’as intérêt à avoir une sacrée bonne raison pour m’avoir invoqué, gamin ! lança soudainement l’animal.
La voix de Yoruchi était dure, grave et autoritaire. On y sentait une certaine colère, mais qui cachait ce qu’on pouvait percevoir comme de l’excitation.
- Nous avons besoin de vous pour retrouver quelqu’un, lui dit Shikamaru. Une jeune fille de Konoha du nom de Kara Lao. Elle fait partie d’un groupe de cinq ninjas inconnus qui ont attaqué le pays du Vent récemment.
- D’accord, fit Yoruchi. J’ai besoin de tous les détails possibles.
Pendant un long moment, Shikamaru décrivit un à un les cinq personnes qu’il avait rencontré dans le désert avec Témari. Apparence, vêtement, allure, comportement, il n’avait rien oublié et les exposa au chat-ninja avec une précision remarquable qui ne manqua pas d’impressionner l’animal. Autour d’eux, les autres membres de l’équipe restèrent perplexes. Comment est-on sensé pister des individu en se basant sur leur apparence ?
- Très bien, dit finalement Yoruchi lorsque le jeune Nara eut terminé. Je vous préviendrai dès que je les verrai.
- Euh… j’espère que c’est une blague ! intervint Naruto.
Mais Shikamaru n’avait pas l’air de plaisanter :
- Absolument pas. Yoruchi-sama a une manière bien particulière de pister ses proies. En fait, il…
- Une minute, gamin ! intervint le chat d’un ton agacé. Est-ce que je t’ai permis de parler de ça ? Soit déjà content que ta petite ami t’en ai parlé avant, car autrement tu n’en aurais jamais rien su. Contente-toi de me mener là où votre Kara a pu passer et tiens ta langue, compris ?
- Bien sûr, Yoruchi-sama.
Renforcée par ce nouveau membre plutôt inhabituel, l’équipe se remit en route, Shikamaru ordonnant de reprendre la route vers Konoha. Durant tout le trajet, Yoruchi ne fit rien de ce qu’un animal ferait d’habitude pour pister quelqu’un, comme renifler le sol ou humer l’air à la recherche d’odeurs corporelles. Il se contenta d’observer d’un air placide le paysage autour d’eux au fur et à mesure qu’ils marchaient à pas lent vers le village caché de la Feuille.
Mais soudain, alors qu’ils traversaient une épaisse forêt en passant par un petit chemin de terre, Yoruchi s’arrêta net et Shikamaru manqua de lui marcher sur la queue. Le chat-ninja s’assis tranquillement et ferma son œil gauche… pour ouvrir l’œil droit.
Il n’était pas du même vert émeraude que l’autre, mais d’un noir absolu sur lequel on ne distinguait rien. Plonger son regard dans cet œil était pareil à plonger dans l’infini… ou dans le néant. Les jeunes ninjas qui tentèrent l’expérience furent immédiatement pris d’une violente nausée, mais Yoruchi ne leur porta pas la moindre attention. Il resta immobile plus d’une minute sans donner un signe de vie, comme si son esprit avait quitté son enveloppe de chat.
- Elle est passée par là, dit-il subitement.
- Quand ? demanda Shikamaru.
- La nuit dernière. Elle était avec les autres personnes que tu m’as décrites.
- Pouvez-vous nous montrer où ils sont allés ?
Yoruchi ne répondit pas. Il referma son œil droit, attendit quelques instants, puis rouvrit l’autre avant de quitter le chemin de terre pour s’enfoncer dans la forêt. Les adolescents le suivirent sans discuter. Ils cheminèrent ainsi pendant un long moment avant que Yoruchi ne s’arrête devant un arbre immense, mais mort. Son tronc pourrait aisément dissimuler un buffle dans toute sa longueur, et ses branches nues transperçaient les frondaisons comme autant de fourches pour pointer le ciel.
- Ils sont entrés là-dedans, annonça Yoruchi. Gamin ! Appuie là !
Le chat-ninja désigna un minuscule nœud dans le bois du tronc à hauteur de visage, et Shikamaru appuya dessus sans hésiter. Aussitôt, un bruit de mécanique résonna à l’intérieur de l’arbre, et l’écorce de celui-ci se souleva lentement, révélant une énorme cavité dans le végétale lui-même, et un escalier en spirale qui descendait vers les profondeurs.
Avant que quiconque puisse dire un mot, Yoruchi annonça d’une voix lasse :
- Je pense que vous n’avez plus besoin de moi à partir de là. Je vous laisse à vos affaires.
- Ca a été un plaisir de vous revoir, Yoruchi-sama ! fit Shikamaru en s’inclinant respectueusement.
- Inutile de chercher à t’excuser, gamin. Fait juste attention à ne pas m’invoquer pour rien, la prochaine fois.
Et sur ces mots, l’animal disparut dans une explosion de fumée.
- Dit donc, lâcha Naruto en fixant le jeune Nara. Il est gracieux ton pote.
- Yoruchi-sama est comme ça, on n’y peut rien. Mais surtout ne me posez pas de questions sur lui où alors il reviendra spécialement pour me faire la peau.
Naruto eut un air étonné et presque moqueur, mais Shikamaru montra clairement qu’il ne plaisantait pas. Puis il se tourna vers Hinata qui comprit immédiatement ce qu’il voulait. D’une simple pensée, elle activa son Byakugan et sonda le terrain en dessous d’eux.
- Il y a un énorme complexe souterrain là-dessous, dit-elle. Je perçois cinq présences, mais elles sont trop loin pour que j’arrive à les identifier.
- Est-ce qu’il y a des pièges ? lui demanda Naruto.
- Non… c’est bizarre.
- Ils sont peut-être tout simplement trop confiants. C’est notre chance.
Naruto se tourna vers Shikamaru. La détermination dans son regard était plus forte que jamais et, comme d’habitude, elle était contagieuse. C’était en même temps sa plus grande force et son plus gros défaut, car si ce courage lui permettait de surmonter toutes les épreuves et de dépasser continuellement ses limites, cela le menait souvent à commettre des actions irréfléchies. Mais dans cette situation, le groupe pouvait avoir ses chances…
- D’accord, dit Shikamaru. On y va. Hinata ! Continue de scruter la zone pour nous éviter les surprises.
La jeune Hyuuga acquiesça de la tête et l’équipe se mit en route. L’escalier les obligeait à passer un par un et Lee se porta volontaire pour passer en premier, car si quelqu’un pouvait réagir rapidement à une menace inattendue, c’était bien lui. Mais rien ne vint freiner leur avancée.
Les couloirs souterrains en bas de l’escalier ressemblaient à ceux d’une vieille mine, la roche creusée étant soutenue par d’épaisse poutres de bois parfois renforcée avec des plaques de métal. Ils étaient éclairés par de nombreuses torches accrochées aux piliers de soutient, ainsi que par des lanternes suspendues sous certaines poutres. Une curieuse odeur d’encens saturait l’air, comme pour essayer de masquer une odeur derrière un puissant écran olfactif.
Soudain, alors que le groupe avançait en direction des cinq individus qu’avait repéré Hinata, Sasuke s’immobilisa, son regard froid figé sur l’un des piliers du couloir.
- Qu’est-ce qu’il y a ? lui demanda Sakura, inquiète.
- Ce symbole, répondit l’Uchiwa en désignant l’image grossière d’un serpent à deux têtes gravé dans le bois. C’est celui d’Orochimaru.
Un silence de mort envahi soudain les gorges des adolescents. Chacun d’entre eux avait gardé un souvenir particulièrement douloureux du jour où le légendaire sanin avait attaqué Konoha et tué le troisième Hokage, surtout Témari dont le village avait été manipulé pour devenir le pantin d’Orochimaru. Mais Orochimaru était mort. Sasuke l’avait tué voilà plusieurs mois de cela avant de partir à la recherche de la Main de l’Ombre, et personne n’osait remettre sa parole en doute sur ce sujet. Pourtant, l’idée de devoir affronter ce monstre avait de quoi glacer le sang…
- Shikamaru… fit brusquement Témari. Qu’est-ce qu’on fait ?
Le garçon ne savait plus quoi penser. De toute évidence, cette cachette avait été réutilisée par quelqu’un d’autre après la disparition d’Orochimaru pour servir d’autres buts. Les cinq inconnus ayant attaqué le pays du Vent devaient certainement avoir découvert cette cachette d’une manière ou d’une autre et se l’approprier. Reste à savoir quel est leur objectif…
- On continue, dit-il simplement. Oubliez ce que vous venez de voir.
Le groupe arriva finalement devant une grande porte de pierre polie bloquant l’extrémité du couloir. D’après Hinata, l’ennemi se trouvait juste derrière dans une vaste pièce remplie d’objets étranges qu’elle ne parvenait pas à identifier clairement. Sasuke ne perdit pas un instant à se demander s’il y avait un moyen simple d’ouvrir cet accès et chargea immédiatement un puissant Chidori qui fit voler la porte en éclats.
La stupéfaction frappa l’équipe lorsque la fumée se dissipa. Il n’y avait pas cinq personnes dans cette pièce, mais six : les cinq inconnus que Shikamaru et Témari avaient rencontrés dans le désert et une autre personne, de taille moyenne entièrement enveloppée dans une longue cape noire à capuche.
- Hinata ? fit Naruto en se tournant vers la jeune fille. Qu’est-ce que…
- Je ne comprend pas… mon byakugan ne le voit pas.
- Bien sûr que tu ne peux pas me voir jeune Hyuuga ! lança l’inconnu d’un ton réjoui.
En entendant cette voix, Naruto et Sasuke eurent un choc. Des souvenirs s’échappèrent des coins d’ombres de leur mémoire où ils avaient espéré les oublier pour venir s’imposer à leurs yeux. Ils ne s’étaient pas attendus à entendre cette voix à nouveau, surtout après la mort d’Orochimaru. Pourtant leurs sens ne pouvaient pas se tromper, c’était bien lui, et l’inconnu releva sa capuche pour révéler son visage et dissiper leurs doutes. La colère fit serrer les dents à Naruto alors qu’il prononçait le nom de cet ennemi qu’il avait cru pouvoir oublier :