Ce soir n’était pas un soir comme les autres. Ce soir était un tournant, un point d’ancrage de l’histoire pour les années à venir, et une porte pouvant s’ouvrir sur de nombreux futurs différents. L’espace de quelques minutes, presque toute une nation était attentif à la même chose, même si chacun l’était à sa manière et avec son propre point de vue, ses propres espoirs. Ce moment fut aussi intense qu’il était attendu. Ce moment où un premier choix allait être fait par un peuple, où le nombre de futurs possibles allait se restreindre à deux seuls possibilités.
Ce soir où nous avons découvert qui allait survivre au premier tour des présidentielles de 2007.
Beaucoup diront que c’était joué d’avance, qu’il n’y avait aucun doute sur les vainqueurs. Et pour beaucoup de raisons, je suis totalement d’accord avec eux. Car il y a des choses en ce pays qui influencent les esprits bien plus efficacement que n’importe quelle mesure politique ou promesse électorale. Les sentiments d’égoïsmes, de renfermement et d’inquiétude se transmettent si facilement par le biais de quelques mots, de quelques gestes, qu’il est impossible d’arrêter le cancer de la peur généralisée. Mais ce fléau a trouvé un bien meilleur vecteur parmi les médias, et principalement la télévision, d’où il peut atteindre presque toute la population d’un pays sans trop de mal : un petit reportage sur des violences à l’école, une courte émission sur des émeutes de banlieue, etc., la chose est aisée.
Nous devons admettre qu’il existe en chacun de nous une partie noire au fond de notre âme. Tous sans exception, nous possédons ces sentiments peu agréables qui sont l’égocentrisme, la xénophobie et l’immobilisme. Nous possédons des biens plus ou moins importants, matériels ou non, auxquels nous tenons énormément, et nous redoutons que d’autres viennent nous les arracher. Ainsi, des milliers de personnes se voient attribué des étiquettes selon leur âge, leur origine, leur religion et leur mode de vie, afin de servir de boucs émissaires responsables de la peur qu’on veut nous imposer. De cette façon, deux reportages de meurtres dans le même mois donnent l’implacable sentiments que cela peut nous arriver à tous, que chacun de nous est menacé, et qu’il faut absolument agir contre cette situation intolérable.
Mais ce ne sont que des évènements inévitables qui existent depuis que l’Homme est Homme, et qui tendent à diminuer ces temps-ci. On ne peut pas obliger 60 millions d’humains à se tenir tranquille, tout comme on ne peut pas éviter les catastrophes naturelles ou les accidents en tout genre. Malheureusement, les médias utilisent ces rares catastrophes pour créer un sentiment de peur profond qui n’a pourtant pas raison d’exister aussi intensément. Et de cet état d’esprit ressort un besoin de faire appel à une personne forte, voir extrémiste, qui saura, évidemment, mettre tous les malfrats de tous genres (même pour des délits mineurs) dans nos prisons déjà surpeuplées, et renvoyer la peur vers les méchants, les pas gentils, les mauvais, les autres.
Et il y a une autre influence que nous avons subit durant la ((très) très) longue campagne : l’évidence du résultat. Depuis le début, les ennemis jurés se sont critiquer de toutes les façons possibles et imaginables pour attirer l’attention, captiver le public, et ainsi faire oublier les autres. Bien sûr, le temps de parole obligatoire a été respecté du mieux qu’on le pouvait, mais c’est comme pour la musique : lorsque vous écoutez la radio, et que vous tombez sur un morceau qui ne vous emballe pas vraiment, vous changer de chaîne, en espérant trouver quelque chose de mieux. Et vu le nombre de chaînes disponibles, vous arrivez toujours à trouver votre bonheur, si vous cherchez bien. C’est ainsi que le duel des deux grands partis, ceux des énarques et des dinosaures, profitèrent de leur position pour engager un duel qui captiva la foule, comme une rencontre mythique entre deux clubs de foot rivaux ou un match revanche entre deux stars de la boxe (ou de catch, pour les amateurs de combats scénarisés…).
C’est donc de cette façon que se sont formé les deux personnages principaux de cette grande pièce de théâtre qui s’est déroulé derrière nos écrans, sur nos ondes et jusque dans nos contrées. Une véritable série à l’américaine, remplie d’épisodes à rebondissements, dont le déroulement à éclipsé plus ou moins efficacement toute autre intervention, qui ont alors été traitées comme des publicités (pendant lesquelles on débarrasse la table ou éteint les lumières allumées dans les autres pièces, par exemple).
Ainsi, le résultat était établi à l’avance, pour le meilleur ou pour le pire. Actuellement, plus de 55% des français doivent se sentir satisfaits d’avoir bien voté, car d’après la logique du vote utile, il est stupide de voter pour quelqu’un qui va perdre (c’est d’ailleurs ainsi que des électeurs d’extrême droite se sont rabattu sur un candidat plus… facile à faire gagner le premier tour). Mais je ne pense pas que ce sentiment restera jusqu’au bout des cinq ans de mandat, même chez ceux qui auront porté leur candidat vers la victoire.
Je suis fatigué de ce monde. Fatigué de son aveuglement, de sa naïveté et de son égoïsme maladif. J’ai vingt ans, et je ne vois plus qu’une ombre recouvrant mon futur, je ne vois plus qu’un vaste monde au bord de l’auto destruction, dans lequel ma vie sera broyée par des forces inhumaines contre lesquelles ma faible voix sera anéantie. Cette vision m’étais encore floue il y a quelques temps, mais ce soir, un voile s’est levé. Même mes univers virtuels n’arrivent plus à me faire oublier l’horrible situation dans laquelle je me trouve.
Et je tiens ce soir à donner un avis personnel, même si je sais que cela ne changera pas grand chose. Je m’adresse à une équipe. Ces gens à travers qui j’ai pris conscience de nombreuses choses. Ces gens qui m’ont ouvert à la politique, et qui m’ont fait rire sur bien des sujets pour lesquels j’aurais dû pleurer intérieurement. Je veux parler à l’équipe des Guignols de l’Info.
Depuis des années, je regarde votre émission dont de nombreux sketchs n’ont plus de secrets pour moi. Je connais par cœur de nombreuses interview fictives que vous avez organisé, et je ne me lasse jamais d’en regarder certains d’entre eux. Pourtant, ce soir, je vous en veux. Je vous en veux terriblement pour avoir injustement critiquer quelqu’un qui ne méritait nullement le comportement de la marionnette que vous lui avez faite : François Bayrou.
Je me souviens d’un sketch se trouvant dans le best-of de l’année 1996 ou 1997, et dans lequel il était interviewé en tant que ministre de l’éducation, avec un jeune de banlieue, nommé Jean-Luc pour le temps du sketch. Il parlait de la dénonciation de la violence à l’école. A cette époque, vous lui donniez une attitude plus sérieuse, plus professionnelle que l’espèce de gamin qui l’a remplacé dans votre émission. J’ignore quand et comment a put se faire la transition entre ces deux personnages totalement opposés, mais ce que je peux dire c’est que je ne la comprends pas.
Et récemment, en plein pendant la campagne présidentielle, vous vous êtes totalement lâché sur lui en disant à sa marionnette, je cites, « T’as pas de programme, pas d’idée ; t’as le charisme d’une saucisse, personne te soutient, t’as été le pire ministre de l’éducation nationale de l’histoire, tu es un ancien bègue avec des grandes oreilles, et si t’es élu, personne ne voudra gouverner avec toi » (émission du 05/04/2007). A part la blague des oreille et de l’ancien bègue, le reste de ces accusation est un véritable ramassis de conneries monstrueuses (désolé pour les âmes sensibles, c’est pas mon habitude).
Il donne l’impression de ne pas avoir de programme uniquement à cause de la différence du nombre de promesses qu’il fait par rapport aux deux vainqueurs du premiers tour (qui d’ailleurs, promettent la lune et le soleil à tous, comme cela à toujours été fait, ce qui fait qu’un programme réaliste passe pour rien du tout). Dire que personne ne le soutient est un mensonge impardonnable digne de TF1 ou d’Europe 1 (pour parler avec vos clichés), tout comme le fait de dire que personne ne voudra gouverner avec lui. Son charisme n’est en rien ridicule (et son score en est la meilleure preuve). Et enfin, je termine sur l’accusation que je trouve la plus scandaleuse : celle concernant son travail au ministère de l’éducation. Je suis fils de professeurs (et je dis bien ça au pluriel), ce qui fait que je connais bien le milieu des professeurs, et que le ministère de l’éducation nationale, j’en entends parler depuis longtemps. François Bayrou n’a jamais été considéré comme le pire ministre de l’histoire parmi les professeurs, au contraire.
J’ignore pourquoi vous avez agis ainsi. Aviez-vous des ordres le concernant ? Vous sentiez-vous obligés de trouver quelque chose à critiquer chez lui afin d’équilibrer le jeu ? Peu importe pour moi désormais, car il est trop tard et le mal est déjà fait. Vous l’avez décrédibilisé injustement auprès de votre public, qui est colossal parmi la jeunesse (qui s’est elle-même inscrite massivement pour ces élections). Vous pensez peut-être que les gens prennent tout ce que vous dites au second degrés, avec humour, afin de garder la conscience tranquille. Mais c’est faux. Vous ne devez pas sous-estimer le pouvoir d’influence qui est le vôtre.
Aussi c’est pourquoi je vous demande de reconsidérer la situation dans laquelle nous nous trouvons maintenant, et à laquelle vous ne pouvez pas nier que vous avez participé, à une échelle des plus importantes. Réfléchissez à tout ce qui s’est passé depuis que vous avez débuté votre émission, et cherchez à voir quelle part d’influence vous auriez put avoir auprès de la population pour chaque vote. Cela vous permettra peut-être de corriger certaines erreurs que vous avez put commettre.
Sur ce, a tchao bon amusement chez vous !